Les mots sans maux

SAVOIR

A partir d'une aquarelle

  • Imaginer ce que le peintre a voulu dire, exprimer, se dire, observer...vous servir de ces émotions retenues. Un secret de vie de l’auteur est révélé dans cette peinture. Il est perceptible à l'œil nu ou imperceptible. A vous de le révéler.
  • Un titre donné à cette peinture servira pour votre texte : SAVOIR

 Aquarelle réalisée par Chantal Moisy. Jeux d'écriture à partir de cette peinture. Merci à Chantal Moisy de nous avoir permis de nous inspirer de cette aquarelle. (voir ci-aprèsla photo de cette aquarelle)

 

 

Savoir que je bois du café, pire… que je le préfère au thé, tuerait mes parents.

Je m’appelle Hiroshi Fujisaki et je suis le fils, que dis-je… l’héritier de la fameuse lignée Fujisaki. Nous sommes les derniers producteurs de Gyukuro à l’ancienne. Nous récoltons et trions à la main chaque feuille de thé de nos hectares. Bien sûr, nous avons de la main d’œuvre sinon nous y passerions le printemps.

Tous les pavillons de thé du pays, et même du monde entier, se disputent à prix d’or notre première récolte.

Petit, à peine à l’aise sur mes jambes, mes parents m’amenaient dans les champs pour apprendre à reconnaître les bonnes feuilles.

Mais tout a changé lors de mes études à Tokyo.

Narumi, ma petite amie de l’époque, m’a fait connaître le café.

Je me souviens de ce premier café.

Je me rappelle de ce fumet un peu fruitéqui est venu aiguiser mon odorat habitué au thé. Sa robe généreuse, noir comme une nuit sans étoiles, m’a happé. Tremblant, j’ai porté la tasse à mes lèvres.

Surpris par sa légère amertume, j’ai un peu grimacé mais ce fut fugace. Le liquide chaud a éveillé mille délices dans mon palais.

C’était un Blue Mountain, moulu juste avant d’être servi.

Depuis ce jour, dès que je quitte ma campagne natale (je ne prendrai pas le risque d’en acheter ni d’en consommer là où on me connait) et mes parents, je m’adonne secrètement à la dégustation d’un café. Sans sucre, bien sûr.

Estelle C.

 

Savoir où elle est. Ce qu’elle fait.

Savoir si elle danse sur la crête d’une vague ou si elle tourbillonne dans les profondeurs océanes.

Savoir si elle marche, seule et légère, dans un paysage minéral

Ou si elle s’enfonce doucement dans ce cratère immense qui finira par l’engloutir.

Savoir si elle pense encore à moi, à mes mains sur son sein rond et tendre

Ou si elle s’abandonne à cet autre qui lui fera du mal, sûrement.

Savoir quelle force tellurique l’a éloignée de moi, arrachée à moi.

Savoir si dans le chaos de mes émotions

Les éboulis de mon cœur

La folie de ma tête

Je parviendrai enfin à l’oublier.

J.S

 

Je ne vois pas grand chose sur cette peinture. Une flaque de boue (terre/eau) bien diluée où l’on voit apparaître des formes un peu bizarres ou pas.

 

 Sur la gauche, un cratère coiffé d’un diamant, posé sur une masse sombre. Une forme allongée qui ressemble à un invertébré en gestation, le vers d’un hanneton, un cervidé qui sort d’une caverne à toute allure… on a l’impression qu’il sort d’une bouche humaine qui inspire la souffrance, le mal être, peut-être l’emprisonnement.

 

Un méli-mélo nacré d’ocre, brun et clair, qui ne ressemble à rien. Complètement informe qui ne veut rien dire.

Ca m’inspire la souillure, le carrelage d’un endroit austère, le marbre du dessus d’un meuble de ma Grand-Mère.

 

Je dois manquer d’imagination. Je n’accrocherais pas ce tableau chez moi. Trop nébuleux, triste…. Vraiment, il ne me fait pas rêver.

 

Il faudra m’expliquer le savoir de cette toile, peut-être que j’y trouverais un intérêt.

 

Passons vite à autre chose.

J.L

 

Savoir voir ce que l’on ne peut pas voir ! Savoir discerner ce que l’on ne peut pas comprendre. Savoir lire des émotions furtives sur un visage de marbre. Savoir comprendre le passé dans les méandres de la roche. Savoir reconnaître à l’intérieur de l’œil de ce fantôme qui nous montre  une autre direction que celle inscrite à tout jamais dans le lit immuable d’une rivière millénaire.

Et par-delà ce que nous croyons être la vérité mais qui n’est que notre interprétation du monde, savoir apprécier les vrais sentiments d’une personne différente de nous mais née sous le même ciel. Et alors des mondes inexplorés s’ouvriront à nous, de nouvelles terres, de nouveaux cieux qui dans un esprit de partage se mélangeront au nôtre.

Peut-être que dans ces conditions, la rivière millénaire sortira de son lit et créera un nouveau canyon, une nouvelle direction, un avenir meilleur pour chaque âme vivant sur cette terre.

M.R

 

Souvenir d’une journée d’été où j ai su que ma sœur cachait un petit renard dans la forêt

Elle l’avait sauvé d’une mort certaine, son abri sous des branchages le protégeait et elle gardait ce secret pour elle.

Quand j’ai découvert le secret, j’ai voulu le mettre en scène ce que je savais faire 

sans avoir vu l’endroit.

Pâquerette

 

Savoir que Degas n’a jamais peint sa petite danseuse. Elle m’appartient, dit Gérard, elle fait mienne. C’est un coup de pinceau, un jour, qui l’a mis en lumière. Elle est ma femme, l’amour que j’ai perdu et que j’ai fait revivre en traversant de jour en jour les abimes du désespoir.

Un jour, sous mes doigts, ma femme était là, lumineuse, à l’aube du crépuscule, légère avec sa robe crème, crème comme le cappuccino que je lui préparais chaque matin sur notre belle terrasse. J’entends encore son rire. Je l’ai entendu quand elle a repris vie après un coup de pinceau inattendu et puis plus rien. Plus de rêves, plus d’ombres et de lumières, ma femme ne revenait plus dans mes souvenirs. Volés, elle a été volée. C’est lui qui la volée. La première fois que je l’ai vu, elle était là au Louvre, elle m’appelait désespérée, elle était comme suspendue prête à se jeter dans le vide pour aller à ma rencontre. Mais si loin, si loin....qu’elle resta suspendue à jamais. Ma femme s’en est allée. Un autre homme l’a volé et je continue inlassablement à la faire renaitre à coup de pinceau, de terre malaxée.  Et si de cette terre, de cette matière noble, ma femme pouvait juste me faire un petit clin d’œil, je serais l’homme le plus heureux du monde.

Hélène

 

Pourquoi es-tu partie si vite ma princesse ? Chaque nuit, je te vois si belle avec ta robe blanche. Le visage baisse, strangulé par la corde qui t’as achevée. Je vois cette corde autour de ton joli cou si blanc, couleur porcelaine. Tu es entrée dans ma mémoire pour toujours.

Pourquoi es tu partie si vite ma princesse ? Tu n’as rien laissé pour nous dire, pour me dire. Seul le parfum de ta peau embaume encore tes vêtements. Ils ne sont plus, ils ont été bradés à la foire fouille. Je n’ai plus que les rêves qui m’offrent un peu de toi. Moi le peintre, chaque jour de mon coup de pinceau magique je te rends vivante à mes yeux et dans mon cœur. Et il me donne l’envie de continuer à vivre, à me battre pour la justice. Justice sera faite ma chère Elsa, je te le jure. Il y en a eu d’autres comme toi dans  le village. Ils commencent à parler de l’horreur, de l’indicible. Trop, c’est trop ! Les gens se sont tus longtemps. Moi je parlerais en ton nom pour que la terreur cesse à jamais.

Je t’aime ma fille chérie.

Hélène

 

 

Savoir que la petite fille est morte.

Savoir que Manon a perdu la vie, un soir d’été.

Savoir que j’étais avec elle ce jour là. Nous avions huit ans.

Savoir qu’à l’époque, nous avions beaucoup de liberté pour s’évader, gambader, découvrir.

Savoir que toutes ces années m’ont permis d’aiguiser ma curiosité et de développer ma créativité.

Savoir qu’aujourd’hui, je veux t’honorer Manon, te dire qu’il n’y a pas un seul jour sans toi.

Savoir que ce jour là, nous avions découvert à travers des buissons touffus, une cavité.

Savoir que l’on a franchit cette cavité.

Savoir que dans cette cavité une grotte s’est ouverte à nous.

Savoir que la roche s’est effritée.

Savoir que tu es morte sur le coup.

Savoir que j’ai pu me sauver pour appeler les secours.

Savoir que cette grotte est devenue une célèbre grotte.

Savoir que c’est un peu grâce à nous, à toi.

Savoir que tu hantes mes nuits.

Savoir que c’est une libération de te peindre.

Savoir que dans toutes mes œuvres, tu es présente.

Savoir que personne ne connait mon secret dans cette œuvre là.

Savoir que je suis attachée aux nuances de marron.

Savoir que tu es là dans ce petit creux.

Savoir que ton petit visage regarde vers le bas.

Savoir qu’il est blessé.

Savoir que de ta jolie robe se détache un cordon.

Savoir que ce cordon me rattache à ta vie, à la nôtre.

Savoir que c’est aussi grâce à toi que je suis renommée.

Savoir que c’est ta main qui invite mon joli coup de crayon au fil des années.

Savoir que c’est peut-être le moment de te rendre ta liberté.

Savoir qu’il est temps que je coupe le cordon.

Savoir qu’il est temps pour moi de m’offrir des palettes de couleurs plus lumineuses.

Savoir que j’ai le droit au bonheur, à la quiétude des lendemains et à un avenir radieux.

Merci Manon

Hélène

 

Une échappatoire d’une femme prise dans un déferlement de vagues. Le bouillonnement de matière et d’eau. La vie en mouvement avec des reflets clairs et foncés. Peut-être en premier plan des algues, eau et terre mélangés. Des contrastes avec des tourbillons peu importants. Dans l’un des tourbillons peu importants. Dans l’un des tourbillons, on distingue une forme féminine avec une belle robe évasée. C’est la partie la plus blanche du tableau qui attire l’œil.

Dans le bas du tableau une tête et un ensemble féminin qui bouge et semble s’en aller vers une certaine destination. Cette forme est à la fois blanche et ombrée. La tête est bien nette et les paupières sont à demi fermées.

Alain

 

J'aurais aimé savoir bien des choses avant de grandir complètement. Des expériences dans l'enfance que plus ou moins tout le monde a vécu avec un grand cœur et une grande joie partagée. Mais ce n'est pas mon cas.

Dans cette peinture, j'ai voulu montrer combien il est difficile de prendre racine dans ce monde, de grandir droit quand la terre est desséchée. Tout fonctionne plus ou moins, mais il n'y a pas de terrain fertile pour y développer un sentiment d'attachement au monde.  Un terrain fertile a besoin de pluie pour se développer lui-même et développer toute la vie souterraine. Je n'ai pas eu le droit à la tristesse, c'était tout à fait interdit. Et pourtant, comment peut-on avancer et devenir quelqu'un quand on n'arrive pas à lâcher le passé ?

Il n'y avait pas plus de soleil pour faire profiter cette terre sèche. Pas de franc soleil, juste un soleil de façade qui est en réalité caché sous de gros nuages noirs. Cette joie d'enfance était donc enfouie au plus profond de moi, sous peine d'être prise pour de la folie. Cette terre est donc bien triste et asséchée parce qu'on ne s'en occupe pas vraiment. On la regarde se développer de loin sans vraiment s'y intéresser profondément. Ce tableau, cette peinture, c'est la sécheresse de mon enfance. Celle d'un enfant non écouté et qui avait pourtant, tant à partager.

 

Emilie Decarnin

 

 

 

 



29/11/2018
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